- 16 juillet 2020
- Envoyé par : Dimitri Ken DJAMEN
- Catégorie : Comptabilité, Finance

Introduction :
De nombreux articles ont été consacrés au bilan et au résultat. Après en avoir parlé de fond en comble, il est désormais temps d’aller un peu plus en profondeur. Pas si profond, car c’est quelque chose qui concerne toutes les entreprises : la trésorerie. Au Cameroun, la quasi-totalité des dirigeants sont confrontés aux tensions de trésorerie. Pourquoi surviennent-ils, et comment régler le problème ? D’ailleurs, qu’est-ce que la trésorerie ? Le sujet étant vraiment très vaste, pas un mais trois articles lui seront consacrés. Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à ce que c’est, quelles sont ses caractéristiques, et comment on exploite les documents comptables pour l’obtenir.
NB : pour que l’article ne soit pas trop long, je ne reviendrai que brièvement sur les notions déjà vues dans d’autres articles. Par contre, je fournirai le lien vers lesdits articles et les titres, alors si vous voulez quelques rappels, n’hésitez pas à les consulter.
Section 1 : spécificités de la trésorerie
Commençons par la trésorerie et son rapport avec la comptabilité. Parce que même s’il y a des nuances, la valeur de trésorerie n’est jamais égale à ce qu’on gagne. Voyons tout ça de plus près.
I- Mouvements de trésorerie hors exploitation
La différence entre trésorerie et résultat est évidente dès qu’on jette un coup d’œil sur un bilan. Quoi, vous ne voyez pas ?

Là, c’est mieux ? Le résultat (le bénéfice ou la perte sur un exercice) et le solde de trésorerie (appelé trésorerie nette en finance) n’ont vraiment pas grand-chose à voir.
Réfléchissez-y un instant. Imaginez que vous ouvrez votre société le 30 Décembre 2018, et le 31 Décembre, vous contractez un emprunt de 1 000 000 FCFA. Ça vous fera une augmentation de trésorerie de 1 000 000 FCFA. Mais est-ce que ça vous fera un bénéfice de 1 000 000 ? Je ne pense pas… Ce n’est pas de l’argent que vous pourrez mettre dans vos poches, puisqu’il est destiné à terme à être remboursé.
Dans la réalité, il existe beaucoup d’opérations hors exploitation : remboursement d’emprunt, paiement de dividendes, augmentation de capital, acquisitions d’immobilisations… Rien de ces encaissements ou décaissements n’est une charge ou un produit pour l’entreprise. Ces mouvements hors exploitation se retrouvent toutes dans un document appelé tableau de financement. Nous y reviendrons.
II- Décalages de paiement

« Décalages de paiement », c’est un autre terme pour désigner les crédits. C’est lorsque vous achetez un ordinateur, et on vous permet de payer cet ordinateur plus tard (vous avez une dette envers lui). C’est aussi lorsqu’un client achète votre marchandise, et vous lui permettez de la payer plus tard (vous avez une créance sur lui).
Au moment où le client achète votre marchandise à 100 000 FCFA, vous vous faites un chiffre d’affaires de 100 000 FCFA. Oui, malgré qu’il n’a rien versé… Voilà là où le résultat et la trésorerie nette vont encore différer.

III- Charges non décaissables et produits non encaissables
Nous avons vu les encaissements et les décaissements qui n’ont pas d’influence sur le résultat. Mais que diriez-vous de résultat qui n’a pas d’influence sur les encaissements et les décaissements ? (Par résultat, je veux dire charges et produits)
1- Dotations et reprises
Avec le temps et les utilisations, votre matériel de travail (celui que vous utilisez pour faire tourner l’entreprise, fabriquer les marchandises, vous approvisionner…) se détériore. Il finit par vieillir, et devient obsolète à un moment. Cette perte d’utilité, qui se reflète par sa tendance de plus en plus grande à nécessiter des réparations, a une incidence comptable. On dit que le matériel s’amortit, et on considère cette perte annuelle comme une charge. Cette charge est appelée dotation aux amortissements. Quand le matériel est complètement obsolète ou quand il est vendu, tous les amortissements qui ont été constatés dans sa durée de vie sont « récupérés » (vu que ce qu’ils amortissaient n’est plus dans le patrimoine de l’entreprise). Ça devient alors un produit non encaissable, appelé reprise d’amortissement.
Il peut s’avérer qu’il y ait un risque que la marchandise ne se vende pas. Prenons le cas d’un éleveur de poules lors d’une épidémie de grippe aviaire. Les acheteurs se feront certainement plus rares. Alors en fin d’année, il va constater une dotation aux provisions, une charge dont le montant correspond aux pertes attendues, mais qui n’est pas décaissable. À la fin de l’année suivante, il va constater automatiquement une reprise de provision (produit) (opération contraire, dans la même logique que les reprises d’amortissement).
NB : les dotations aux amortissements et aux provisions sont plus détaillées dans l’article sur le compte de résultat (Section 2, II – lien).
2- Variations de stocks
Par un tour de passe-passe, je vais créer de l’argent avec la comptabilité ! Disons que j’achète 1 000 boîtes de cigarettes à 1 000 FCFA pièce et je les revends à 3 000 FCFA chacune. Cela me fera une marge de 2 000 FCFA par boîte. Au cours de l’année, je n’ai vendu que 300 boîtes. Il y a deux manières de calculer mes gains :
- 300 (nombre de boîtes vendues) × 2 000 (marge unitaire) = 600 000 FCFA de résultat ;
- 300 × 3 000 (prix de vente) – 1 000 (nombre de boîtes achetées) × 1 000 (coût d’achat unitaire) = -100 000 FCFA de résultat.
Alors, logiquement, c’est le deuxième calcul le bon. Vous avez dépensé 1 000 000 et encaissé 900 000. Ça concorde donc exactement avec le solde de trésorerie… Eh bien non. En comptabilité, un achat est une charge, certes. Mais si cet achat va en stock (en d’autres termes si on conserve ce qu’on vient d’acheter dans le patrimoine de l’entreprise), alors son entrée dans le patrimoine annule la charge. Tout se passe comme si j’avais transformé 1 000 000 FCFA d’argent en 1 000 000 FCFA de boîtes de cigarettes. Ce que je possède vaut la même chose, mais a juste changé de nature. Donc en réalité, je n’ai rien perdu.
Par contre, au moment où je vends ma marchandise, je sors les 300 boîtes que je vais vendre, et je « perds » mes avoirs. Comptablement parlant, cette perte se manifeste par une charge. Qui est de 300 × 1 000 = 300 000 FCFA. Ou encore, j’ai dépensé 1 000 000 FCFA, mais je n’ai que 700 000 FCFA comme avoirs, donc il y a une charge de 1 000 000 – 700 000 = 300 000 FCFA. Les 300 boîtes sont vendues à 300 × 3 000 = 900 000 FCFA, donc le résultat est de 600 000 FCFA. Comme la première méthode plus haut. Et voilà comment je me suis enrichi grâce à la comptabilité !

D’un autre côté, c’est logique. Pourquoi compter des marchandises invendues ? Le bénéfice permet de voir directement combien on s’est faits sur ce qu’on a vendu. Même si c’est en décalage avec ce qui a été dépensé. Ledit décalage est ce qu’on appelle variations de stocks.
3- Cession d’immobilisation
Les immobilisations sont les éléments sur lesquels on investit pour faire tourner l’entreprise (et – rappel – ce qui subit des amortissements). Par exemple, l’ordinateur qui permet de faire les saisies de caisse, le camion qui permet de transporter la marchandise, le bâtiment dans lequel l’entreprise travaille ou même le logiciel de comptabilité utilisé. Comme je l’ai expliqué plus haut, acquérir une immobilisation n’est pas une charge. La vendre n’est donc techniquement pas un produit non plus. Mais, si vous vendez votre immobilisation à un prix différent de son coût d’acquisition ? C’est là que le résultat intervient. Si je vends à 1 000 000 FCFA mon ordinateur que j’ai acquis à 800 000 FCFA, alors j’aurai un bénéfice de 200 000 FCFA. Si je le vends plutôt à 600 000 FCFA, j’aurai une perte de 200 000 FCFA.
Il s’agit du résultat de cession. Et logiquement, vous n’encaissez pas la différence positive, ou ne dépensez pas la différence négative.
Maintenant que la différence entre résultat et trésorerie a été identifiée, il est temps de voir comment faire pour obtenir cette dernière. Une entreprise sans bénéfice peut fonctionner pendant quelques années avec une trésorerie suffisante. Par contre, une entreprise avec des bénéfices mais sans trésorerie n’aura que quelques mois à vivre. En effet, ce n’est pas avec lesdits bénéfices que l’entreprise pourra payer ses associés, les prêteurs, les fournisseurs, les salaires…
Section 2 : flux de trésorerie d’une entreprise
On appelle flux de trésorerie l’ensemble des mouvements d’encaissement et de décaissement qui ont eu lieu sur une période donnée. C’est tout simplement l’argent que vous avez gagné ou perdu sur une année ou un trimestre, par exemple.
Le flux de trésorerie global (FTG) d’une entreprise se décompose en trois : flux de trésorerie d’investissement (FTI), flux de trésorerie de financement (FTF) et flux de trésorerie d’exploitation (FTE).
FTG = FTI + FTF + FTE
I- Flux de trésorerie d’investissement.
Il concerne uniquement l’investissement (acquisition d’immobilisations) et le désinvestissement (lorsqu’on vend ses immobilisations). Dans la plupart des cas, il est négatif. Parce que c’est rarement un bon signe lorsque vous êtes obligés de vous séparer de ce qui fait tourner l’entreprise…
FTF = Cessions d’immobilisations – Acquisitions d’immobilisations
Pour retrouver ces informations, il suffit de les prendre dans le tableau de financement (je vous avais dit que je reviendrais dessus), un document qui mentionne tous les flux d’investissement et de financement.

NB : La CAF mentionnée dans le tableau de financement est évoquée dans l’article sur les soldes de gestion (Section 2, I – lien). Nous y reviendrons.
II- Flux de trésorerie de financement
Il concerne les transactions concernant les capitaux propres (augmentation de capital, paiement des dividendes) ou les dettes financières (emprunt ou remboursement d’emprunt). Étant donné que ce flux concerne deux éléments en même temps, il est difficile à analyser comme ça.
FTF = Augmentations de capitaux propres + Emprunts – Paiements de dividendes – Remboursements d’emprunts

III-Flux de trésorerie d’exploitation
C’est le flux généré par l’activité de l’entreprise. L’activité qui génère le bénéfice ou la perte (et donc le résultat). C’est le plus important, car lorsqu’il est faible, voire négatif, c’est une indication que le modèle économique ne marche pas, et que l’activité n’est probablement pas rentable.
Alors, pour ceci, ça va être beaucoup, beaucoup plus compliqué à retrouver que les autres flux. Alors, nous allons simplement prendre un exemple illustratif.
Soit une entreprise avec les informations suivantes :
Libellé | Montant |
Résultat | 1 000 000 |
Variation de stocks | 500 000 |
Variation des créances clients | 200 000 |
Variation des dettes fournisseurs | 400 000 |
Dotations aux amortissements | 800 000 |
1- CAF
Pour trouver la CAF, on réintègre les charges non décaissables (sauf variations de stocks) et on retranche les produits non encaissables. Dans le cas d’espèce, on a :
CAF = Résultat + Dotations aux amortissements
CAF = 1 000 000 + 800 000
CAF = 1 800 000
2- ΔBFR
Rappelez-vous. Les variations de stocks sont des charges non décaissables aussi. De même, les créances et les dettes représentent des décalages de paiement : des produits/services achetés/vendus sans mouvement de trésorerie. On doit donc les éliminer. Les créances doivent être soustraites (argent qu’on n’a pas encore reçu) et les dettes doivent être ajoutées (argent qu’on n’a pas encore donné). Nous allons donc obtenir : (PS: Δ signifie « variation »)
-ΔStocks – ΔCréances + ΔDettes = -Δ(Stocks + Créances – Dettes)
-500 000 – 200 000 + 400 000 = – 300 000
Dans l’article sur le bilan, nous avons vu une notion très intéressante, appelée le besoin en fonds de roulement (BFR) (Section 2, I, 1 – lien). Définie comme la quantité d’argent dont l’entreprise a besoin pour la faire fonctionner au quotidien, elle correspond à l’actif circulant (stocks et créances) auquel on retranche le passif circulant (dettes non financières). Sounds familiar ? On va un peu reprendre l’expression plus haut.
-Δ(Stocks + Créances – Dettes) = -Δ(Actif circulant – Passif circulant)
= -ΔBFR
3- Calcul du FTE
FTE = CAF – ΔBFR
FTE = 1 800 000 – 300 000
FTE = 1 500 000
Donc l’activité de l’entreprise a généré un bénéfice de 1 000 000 FCFA et une trésorerie de 1 500 000 FCFA.
4- Controverse sur la formule du FTE (partie réservée aux initiés à la comptabilité)
La formule de calcul du flux de trésorerie d’exploitation que vous voyez plus haut, est celle que vous retrouverez dans la plupart des ouvrages d’analyse financière. Paradoxalement, elle n’est pas bonne. Ou plutôt, elle ne marche que pour certains cas, ou encore elle ne marche pas dans le système comptable OHADA (celui d’Afrique centrale et de l’Ouest). Je m’en suis rendu compte en voulant automatiser son calcul, et j’ai passé plus d’un mois à essayer de trouver la bonne formule par tâtonnement. J’en suis arrivé au résultat suivant :
FTE = CAF – ΔBFRE – DPE + RPE
ΔBFRE = Variation du besoin en fonds de roulement d’exploitation (Stocks + Créances d’exploitation – Dettes d’exploitation)
DPE = Dotations aux provisions d’exploitation (donc hors provisions sur les immobilisations ou pour les risques et charges)
RPE = Reprises de provisions d’exploitation
Bien entendu, je compte défendre ma position. Ainsi, j’ai prévu une démonstration de ma formule. Réservée aux initiés aussi.
IV- Free cashflow (FCF)
Le FTE représente ce que l’entreprise dégage via son activité. Le FTI représente les dépenses d’investissement de l’entreprise. Comme vous voyez, ces deux-là concernent l’entreprise. Mais le FTF concerne les parties prenantes de l’entreprise : les actionnaires, qui soit payent (augmentation de capital, compte courant), soit se font payer (dividendes) ; les banques ou obligataires, qui soit prêtent de l’argent, soit se font rembourser un prêt. Les autres parties prenantes (organisme qui subventionne un équipement, société de crédit-bail…) Ainsi, pour savoir si l’entreprise peut rémunérer ses parties prenantes, elle doit calculer le flux de trésorerie d’exploitation qui reste après avoir retranché les investissements. Ce qu’il reste constitue ce qu’on appelle Free cashflow, ou cashflow disponible.
FCF = FTE + FTI
Le FCF est utilisé pour évaluer si l’entreprise a pu payer les parties prenantes via son activité ou si elle a dû recevoir de nouveaux financements pour faire face à ses engagements.
Conclusion :
Dans cet article, nous avons vu:
- En section 1, la trésorerie et ses spécificités ;
- En section 2, l’obtention des différents flux de trésorerie.
Trésorerie et résultat sont somme toute très différents, contrairement à l’idée que beaucoup de gens se font des deux notions. Cela dit, il est possible d’utiliser l’un pour arriver à l’autre. Ils restent liés par des principes comptables (et de bon sens, pour être honnêtement). On comprend aussi l’importance de la trésorerie, devant laquelle même le bénéfice est secondaire. Alors, comment on fait pour s’assurer de ne jamais avoir de déficits ? Il y a toute discipline qui concerne cela. Elle se nomme gestion de la trésorerie. Et ce sera l’objet du prochain article, qui paraitra le mois prochain.
Sources
Christophe Thibierge, « Analyse financière », 2011
Compta Facile, «Cashflow » https://www.compta-facile.com/cash-flow-definition-calcul-interet/
Edifiant ,Merci DIMITRI
[…] chaque lien que je vais envoyer. Bien sûr, cet article nécessite aussi d’avoir lu la partie 1 (trésorerie et résultat) et la partie 2 (trésorerie et […]
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