- 19 juillet 2021
- Envoyé par : Dimitri Ken DJAMEN
- Catégorie : Contrôle

Introduction :
Lorsque vous sortez et prévoyez de dépenser une certaine somme d’argent, votre réflexe en rentrant est de vérifier si vous avez respecté votre quota de dépenses. Vous vérifiez alors ce qu’il vous reste, et si vous avez dépensé plus ou moins que prévu. Naturellement, vous vous demandez pourquoi c’est différent, surtout si vous avez dépensé plus que prévu. Et dans le cas d’espèce, vous prenez des résolutions pour ne plus dilapider autant votre argent le lendemain. Félicitations : vous venez d’effectuer un contrôle budgétaire ! Aussi simple que cela. Alors, c’est certain que pour les entreprises plus formelles, un tel processus est plus complexe. Mais maintenant que vous avez le fil directeur, il vous sera plus aisé d’appréhender les concepts abordés ici, concernant le contrôle budgétaire. Nous évoquerons d’abord la gestion budgétaire, ensuite nous parlerons de l’analyse des écarts.
Section 1 : gestion budgétaire
Le plan comptable général français définit la gestion budgétaire comme étant un mode de gestion consistant à traduire en programmes d’actions chiffrés, appelés budgets, les décisions prises par la direction avec la participation des responsables. Elle se subdivise en deux parties : la budgétisation (établir les montants de chiffre d’affaires de bénéfice, de trésorerie… que l’on souhaite avoir) et le contrôle budgétaire, dans lequel on contrôle l’écart entre le budget, les prévisions et les réalisations.
I- Contrôle de gestion
1- Problème de la comptabilité analytique
Au début de l’industrialisation, le contrôle de gestion ne s’articulait qu’autour du calcul des coûts : la comptabilité analytique. Vous pouvez en savoir plus sur cette dernière dans un précédent article (lien). Ainsi, via différentes méthodes (coûts complets, coûts partiels, coûts marginaux…), l’on estimait ce que la production avait réellement coûté, et ainsi à partir de quelles ventes le seuil de rentabilité allait être atteint. L’on faisait aussi une comparaison entre coûts préétablis et coûts réalisés, afin d’avoir des écarts.
La comptabilité analytique avait plusieurs soucis. Mais le plus important était qu’il ne concerne que la production. Qu’en est-il de la performance commerciale ? Des frais généraux ? De l’optimisation des achats ?
2- La solution de la gestion budgétaire
À partir de 1945, émerge la gestion budgétaire. Cette fois, elle concerne non plus juste la production, mais tous les pans de la gestion, jusqu’à la TVA, jusqu’à la trésorerie. La gestion budgétaire, allant de la budgétisation au contrôle budgétaire, peut être représentée ainsi :

Il s’agit ainsi du deuxième outil du contrôle de gestion, issu d’une fécondation entre comptabilité analytique et gestion de la trésorerie. Elle a aussi ses problèmes, comme l’importance trop grande accordée aux indicateurs financiers. Mais elle est sans conteste une évolution majeure.
Après présentation, il est maintenant temps de s’attarder sur le premier pas de la gestion budgétaire : la budgétisation.
II- Généralités sur la budgétisation
Toute entreprise gagnerait à ne pas naviguer à vue. Elle doit faire une estimation préalable de ses entrées et sorties, afin de ne pas être négativement surpris par une dépense soudaine et trop importante (engendrant des coûts de la dette) ou par une opportunité qui leur passe sous le nez faute de moyens (coûts d’opportunité). Je donne plus de détails dans mon article sur la gestion de la trésorerie (section 1 et section 2, lien).
1- Types de budget
Ils sont de deux natures, trois budgets primaires et deux budgets secondaires :
- Budgets d’exploitation (achats, ventes, services extérieurs, frais financiers…), d’investissement (acquisitions et cessions d’immobilisations) et de financement (emprunts, dividendes, augmentation de capital…) Ce sont des budgets primaires ;
- Budget de TVA et budget de trésorerie, qui sont des budgets secondaires, car dépendant des autres budgets.

2- Différence entre budgétisation et prévision
Les termes « budgétisation » et « prévision » ne sont pas interchangeables. Ils représentent deux réalités différentes.
- Un budget correspond aux chiffres qui ont été estimés à l’exercice précédent. Il est statique ;
- Une prévision correspond aux chiffres qui sont adaptés à la réalité du moment. Ainsi, si en cours d’exercice, la conjoncture change, la motivation des employés baisse ou le fisc émet des sanctions, la feuille de prévision va s’adapter pour montrer ce qui est attendu au vu des nouvelles circonstances. Elle est dynamique.
En gestion budgétaire, les prévisions ne sont utilisées que pour les coûts de production (coûts préétablis). Pour le reste, c’est vraiment une comparaison entre ce qui a été estimé au départ et ce qui s’est réalisé. Les prévisions ont davantage à voir avec le pilotage de la performance, outil de contrôle de gestion que nous verrons dans un article ultérieur.
Après une présentation brève de la gestion budgétaire, il est temps d’entrer dans le vif du sujet : le contrôle budgétaire, du moins sa technique.
Section 2 : analyse des écarts
L’analyse des écarts est le processus par lequel l’on estime la différence entre le budget et la réalisation, puis on tente de l’expliquer afin de définir la marche à suivre. En général, un schéma préalable doit être suivi :

I- Calcul et présentation des écarts
1- Écart sur résultat
Pour des besoins de compréhension, un exemple sera pris. Soit une entreprise qui a comme budget :
Produit | Prix de vente | Quantité | Coût de production unitaire | Charges de structure unitaires |
A | 34 | 8 540 | 25 | 3 |
B | 32 | 9 200 | 28 | 4 |
C | 45 | 5 500 | 35 | 5 |
En fin d’année, voici les réalisations :
Produit | Prix de vente | Quantité | Coût de production unitaire | Charges de structure unitaires |
A | 35 | 8 600 | 25 | 3 |
B | 30 | 9 300 | 29 | 4 |
C | 47 | 5 600 | 35 | 5 |
L’écart sur résultat est tout simplement la différence entre le résultat réel et le résultat budgété.
Je vous épargne tous les calculs du résultat, qui obéissent à cette formule :

L’écart global est positif. Une bonne partie des dirigeants s’arrêteraient là. Mais Lorsqu’on regarde en détails, le produit B a sous-performé. Il faut investiguer… Heureusement, il est possible de faire un découpage de cet écart en sous-écarts :
Le premier écart (abrégé EM/CP) montre la performance du service commercial. Le deuxième (E/CP), celle du service de production. Enfin, le troisième écart (E/CS) montre si les services administratifs et fonctionnels (comptabilité, ressources humaines, contrôle de gestion…) ont respecté le budget qui leur était alloué.

Q = quantité ; CPu = coût de production unitaire ; b = budgété(e) ; r = réel(le)
* CPp = coût de production préétabli. Il correspond à une prise en compte des quantités réelles. Et oui, il s’agit ici de prévision, le cas particulier dont je parlais plus haut.
À l’observation, le coût de production réalisé en B a largement dépassé celui qui était prévu. De surcroît, il y a eu un écart considérablement négatif au niveau de l’écart de marge sur coût préétabli. À notre niveau, nous ne pourrons pas décomposer le coût de production, car cela se fait en comptabilité analytique. Par contre, l’écart de marge sur coût préétabli peut être segmenté en deux sous-écarts, l’écart sur prix (E/P) et l’écart sur quantité (E/Q).

Le prix de vente budgété du produit B est de 32, et le réel est de 30. Il s’avère donc que cette simple différence a eu de lourdes conséquences sur le les réalisations, et donc sur l’écart.
Nous savons donc qu’il y a eu un problème au niveau de la production et de la vente du produit B. Comment interpréter cela ?
2- Tableau de bord
Ces écarts ne sont pas présentés comme cela. Ils sont contenus dans un tableau récapitulatif, appelé tableau de bord. Ce dernier peut être présenté comme suit :

Il s’agit de l’outil le plus important du contrôleur de gestion, lui permettant de constater lesdits écarts et de piloter la performance.
II- Interprétation des écarts
1- Scénarios interprétatifs
Revenons à l’exemple de l’exemple de l’introduction. Vous sortez et vous espérer avoir dépensé 100 milles (votre budget). Lorsque vous faites le contrôle à la fin de la journée, il y a quatre scénarios qui se produisent :
- L’écart n’est pas important. Le caractère incertain du futur fait en sortes qu’il y aura presque toujours des écarts. Mais si vous espériez n’avoir dépensé que 100 000, et vous constatez que vous avez dépensé 100 050 ou 99 875 ? Est-ce vraiment grave ? Non, pas vraiment. Ainsi, il y a une certaine marge d’erreur qui est admise ;
- L’écart est dû à des facteurs externes exceptionnels. Par exemple, il y a eu un accident de la route ce jour-là et les routes ont été bouchées. Vous avez dû payer le chauffeur de taxi, puis emprunter une moto taxi en payant double tarif, aller comme retour. Cela vous provoque une dépense supplémentaire de 3 000, qui vous fait dépasser votre budget admis. Que faut-il faire donc ? Rien. Une telle éventualité ne se reproduira pas de sitôt…
- L’écart est dû à des facteurs externes récurrents. Il s’avère que vous alliez acheter le forfait Pulse d’Orange, mais arrivé au « Callbox », on vous informe que ledit forfait n’existe plus. Vous voilà qui devez désormais opter pour des forfaits 3 fois plus chers à l’avenir. Dans ce cas de figure ? Vous ajustez vos futures budgétisations, pour qu’elles prennent en compte les nouveaux tarifs d’internet ;
- L’écart est dû à des facteurs internes. C’est alors là que l’analyse en sous-écarts intervient, afin de voir à quel niveau vous n’avez pas respecté le budget. Quel est votre écart sur crédit ? Sur transport ? Sur alimentation ? Disons que vous avez voulu vous faire plaisir et vous avez dépensé 1 000 supplémentaires parce que le plat de poulet DG était succulent. C’est alors de votre faute s’il y a un écart. Face à cela, vous devrez prendre des actions correctives sur votre comportement, afin de respecter vos futurs budgets.
Pour revenir à l’exemple précédent, il y a eu des écarts à tous les niveaux, mais seuls ceux de B ont été considérés, car énormes. Les raisons de l’augmentation des coûts de production peuvent être internes (rotation du personnel, désuétude des machines) ou externes (augmentation du prix des matières premières). IDEM pour le prix de vente, dont la baisse peut être due à la diminution de la demande sur le marché, ou aux capacités de négociation insuffisantes des commerciaux.
2- Limites de la gestion budgétaire
Nous pouvons citer celle qui saute aux yeux : elle se limite aux données chiffrées. En ne se concentrant que sur ces dernières, l’on loupe plusieurs éléments. En termes de performances, l’on peut citer la satisfaction des clients, la motivation, le professionnalisme… En termes de coûts, nous pouvons citer l’absentéisme, la rotation du personnel (beaucoup de personnel part et beaucoup de personnel est recruté, de sorte que l’entreprise perd l’effet d’expérience) et le défaut de qualité, encore appelés coûts cachés.
Le deuxième problème, c’est au niveau des frais généraux, réservés aux fonctionnels et administratifs. Il est vraiment difficile de définir quel est le budget à établir pour eux, lui qui n’est pas forcément corrélé aux fluctuations de la production.
Enfin, il y a le souci des indicateurs choisis dans le budget. En effet, les standards idéaux sont trop élevés et démotivants. Les standards historiques (ceux de l’exercice précédent) n’incitent pas à mieux faire. Un juste milieu doit toujours être trouvé, et ce n’est pas une mince affaire.
Conclusion :
Dans cet article, nous avons vu:
- En section 1, les généralités sur la gestion budgétaire ;
- En section 2, l’analyse des écarts.
Le contrôle budgétaire est vraiment important. Il permet de vérifier si ce que nous avions prévu de faire a été effectué. Il permet de définir s’il y a un problème, et si oui, où. Son utilité stratégique est donc indéniable. Cependant, je me suis volontairement limité à cette dimension dans cet article. Car il a une utilité opérationnelle aussi. En effet, le contrôle budgétaire peut être fait mensuellement, pas juste annuellement, afin de faire des ajustements en plein milieu de l’exercice. Cette dimension opérationnelle sera vue dans un article ultérieur, consacré au pilotage de la performance.
Sources :
Lonïng et al., « Contrôle de gestion – 3e édition », Dunod, 2008.
Deutou, Z., « Cours de contrôle de gestion », 2019.
Bouopda, N., « Contrôle budgétaire », 2018.
Bouopda, N., « Initiation au contrôle de gestion », 2018.